Une entreprise sans chef ? Liberté et Cie, Isaac Getz et Brian Carney

Temps de lecture : 4 minutes

N’existe-t-il qu’une façon de gérer une société, de définir sa hiérarchie et de diriger son personnel ? Isaac Getz et Brian Carney nous proposent une vision libérée de l’entreprise et du management. Elle est basée sur le bien-être des salariés et la prise en compte des initiatives individuelles et collectives. Ils ont étudié de nombreuses entreprises « libérées », en Europe et aux Etats-unis, qui se sont transformées, ont prospéré et ont même dépassé leurs concurrents. Cadre dirigeant ou intermédiaire, ne manquez pas cet ouvrage. Il vous fournira les recettes de cette approche radicalement différente du monde de l’entreprise.

De quoi s’agit-il ?

Entreprise libérée ne signifie pas anarchie totale. Il n’y a pas qu’un seul type d’entreprise libérée ni qu’une seule méthode de transformation. Chacune des sociétés (et des patrons) présentées a développé son approche pour libérer les énergies internes, adaptée à son secteur d’activité et à sa sensibilité interne.

Pourquoi libérée ?

Parce qu’il s’agit in fine de considérer chaque salarié de l’entreprise comme un acteur de son développement et de son évolution, et non comme une ressource aux capacités définies et bornées. En effet, la plupart des entreprises et des théories du management enseignées actuellement consacrent la structure hiérarchique pyramidale, dans laquelle les décisions partent du haut et ruissellent vers le bas. Les informations remontent alors la pente sous formes de compte-rendus et d’indicateurs censés représenter les activités des échelons intermédiaires.

Ces approches sont extrêmement réductrices car elles limitent les marges d’initiatives des échelons inférieurs. Ces derniers ont souvent une vision de la réalité beaucoup plus directe et pertinente que les échelons supérieurs. En outre, leur flexibilité et leur possibilité de changer les méthodes de travail est souvent limitée par les règles établies, sur lesquelles ils ont peu de prise, alors qu’ils concentrent la force de réalisation concrète de la société et donc une grande part de son potentiel d’évolution.

Le concept d’entreprise libérée consiste à confier à tous les échelons, et en particulier ceux d’exécution, le pouvoir d’adapter l’environnement et les méthodes de travail au même titre que n’importe quel cadre. Il n’est d’ailleurs souvent plus question de cadres ou de chefs. Ils sont soit supprimés, soit considérés comme « leaders », et parfois élus par leurs pairs.

Entreprises comment et entreprises pourquoi ?

Les auteurs opposent les organisations « comment » et les entreprises « pourquoi ». Les premières, issues du monde Taylorien, définissent précisément qui fait quoi, établissent fiches de postes et processus normés. Les secondes reposent sur les objectifs de production, les besoins du client et les perspectives du marché. Dans les entreprises « comment », l’organisation est cernée par un système de prescription et de contrôle surabondant. Il veille à ce que les directives supérieures soient bien appliquées. En revanche, dans les entreprises « pourquoi », les seules directives nécessaires sont celles qui permettent la satisfaction des objectifs globaux. Ces derniers sont alors intégrés par l’ensemble de la structure et pas seulement par les seuls échelons supérieurs. L’économie réalisée suite à la suppression des organes de « chronométrage » et des directives associées s’avère généralement nettement positive et profitable.

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Les invariants

L’équité et la fin des signes de pouvoir ou de supériorité

Toutes les sociétés étudiées se sont appliquées à réduire voire supprimer les signes hiérarchiques distinctifs, ainsi que les privilèges associés. Il n’existe ainsi plus de places de parking attribuées aux cadres supérieurs, plus de grands bureaux dénotant l’importance du poste. Au contraire, il est question de promouvoir des espaces de travail et d’échanges ouverts. De plus, les tenues vestimentaires nivellent les positions hiérarchiques et donnent à chacun la même importance.

Un espace de travail défini par les salariés

L’appropriation de l’entreprise et des méthodes de travail par l’ensemble des salariés passe généralement par un espace professionnel réorganisé par leurs soins, humanisé et centré sur leurs besoins.

La capacité de décider et d’agir au niveau le plus opportun

La subsidiarité et la liberté interne sont poussées à leurs plus larges expressions. L’entreprise dispose d’équipements individuels en libre service, et la réduction voire la disparition des contrôles et des inventaires. Cette autonomie laissée aux salariés permet par exemple à un technicien de prendre la route dans la minute pour se rendre chez un client et déterminer de visu la cause d’un défaut. Un employé peut décider de véhiculer un client à plusieurs heures de route avec le véhicule de l’entreprise sans directive particulière. Chacun effectue à chaque instant ce qui est bon pour la société sans se poser plus de questions.

Une organisation orientée vers la satisfaction client

Les entreprises « pourquoi » gardent en ligne de mire leur objectif premier : satisfaire et étendre leur clientèle. Additionné à une forte autonomie individuelle, le but affiché et partagé est de s’aligner avec le besoin du client. Les énergies et l’innovation sont en permanence stimulées et orientées dans ce sens. Il n’est alors plus besoin de plan ou de processus d’innovation dédiés pour essayer de libérer l’imagination des employés. L’adaptation de la structure est permanente et partie intégrante de son génome.

Des procédures limitées généralement aux contraintes de sécurité

Le meilleur moyen de figer une entreprise est de définir fiches de postes et processus, comme s’il s’agissait de programmer une grande machine (réminiscence du Taylorisme). L’entreprise dite libérée s’affranchit donc de ce carcan. Elle évite de brider la créativité et la capacité d’adaptation de ses employés. Ce qui n’empêche pas toutefois de fixer des mesures de protection et des règles quand la sécurité est en jeu.

Une division des grosses structures en petites unités autonomes

Les grandes structures étant difficilement flexibles et dynamiques, la plupart des entreprises étudiées ont découpé leur organisation en différents pôles de plusieurs dizaines de personnes maximum, avec le plus d’autonomie et d’indépendance possible. En effet, il s’agit d’éviter l’émergence de blocs organisationnels monolithiques dans lesquels la résurgence de directives générales et de contrôles était inévitable.

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Les résultats

Des entreprises libérées généralement leaders dans leurs domaines

USAA, Harley-Davidson, Gore-Tex ou Favi ne sont pas des poids légers dans leurs secteurs. Les méthodes mises en œuvre dans ces entreprises leur ont d’ailleurs permis de se développer précisément parce que l’ambition affichée ne pouvait supporter la demi-mesure. Elles se sont redressées ou hissées à un niveau de performance très élevé, portées par une croissance forte et continue.

Une forte résistance aux crises

Les auteurs citent le cas d’USOCOME, filiale française d’un groupe fabricant de moteurs électriques, qui a traversé la crise post-subprime sans licencier, en limitant ses pertes et en sortant renforcée quand le marché s’est rétabli. Les salariés n’étant pas de simples ressources humaines, dont il s’agissait de limiter « le poids » en période difficile, ils ont naturellement participé aux décisions et à la résistance du groupe, pendant que leurs concurrents licenciaient ou se plaçaient en chômage partiel.

Une grande capacité d’adaptation, d’innovation et d’évolution

Les objectifs de l’entreprise étant intériorisés par chaque employé, il n’est pas besoin de plan d’innovation, de réflexions sur le changement ou de séminaires de créativité. L’adaptation est continue et permanente. Chacun peut et doit la mettre en œuvre à son niveau dès que possible.

Aucune confrontation syndicale et un faible taux de rotation

Le bien-être et la responsabilisation de tous les employés se présente comme un pré-requis des entreprises libérés. L’association des syndicats à la gouvernance de l’entreprise est donc une condition naturelle de son succès. De même, l’environnement favorable et épanouissant entraine un taux de rotation des employés très faible (peu de départs) avec des cas de « boomerangs » (employés qui partent pour de meilleurs salaires et reviennent pour les meilleures conditions de travail).

Conclusion

L’entreprise libérée n’est pas une solution miracle. Il n’existe pas une méthode générique pour développer une telle organisation, car il n’est pas possible de standardiser le modèle. Cependant, tous les managers et cadres méritent de lire cet ouvrage ou du moins de prendre connaissance des approches et méthodes développées. D’une part pour constater que la théorie Y de Douglas McGregor reste une bien meilleure alternative à la théorie X (voir ici). D’autre part, parce qu’il existe probablement dans chaque secteur d’activité des alternatives valables au modèle hiérarchique très standardisé.

Il ne s’agit en fin de compte que de replacer l’humain au cœur de l’organisation, en prenant soin de les accompagner par des chefs soucieux de leur épanouissement en phase avec celui de l’entreprise, et non des managers responsables de la bonne application des procédures.

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